Du sang neuf

La jeune Niamh était (décidément) si...touchante, de timidité et de candeur...que même le terrifiant(?) roy Mordred ne pouvait qu'en être quelque peu émue.
C'était à la fois si "drôle" et si tendre...bref! un bien charmant tableau.

Le tyran (qui semblait tellement troubler son invitée) lui offrit un large sourire bienveillant...mais non dénué d'une certaine malice.

Oui, cette somme devrait suffire à couvrir vos frais les plus...nécessaires.
Et vous pourrez, évidemment, en disposer comme bon vous semblera.
Bien que...

Mordred s'interrompit afin de lancer ceci à la prêtresse Démétra :

Accompagnez donc dame Morgane.

Il revint aussitôt à Niamh :

Je vous en prie, prenez place, je brûle d'ouïr nouvelles de vos terres!
Et avant tout concernant votre père le baron.

Dit il en désignant l'un des sièges disposés devant le trône.
Avant de poursuivre, sur le même ton :

Dans la dernière missive qu'il m'adressait...votre père vantait vos mérites de joueuse de harpe.
J'ai fort hâte d'entendre ça!

Et alors que le souverain mélomane conversait avec la toute jeune baronne...le cabot royal (le très fameux Hector) allait se planter aux pieds de la demoiselle. (dont il renifla d'ailleurs les chausses).
Certainement en quête d'attention et de caresses, voir davantage, tant ce damné chien s'avérait...gourmand.

Niamh, tant honorée qu'étonnée, prit place près du roy, sur le siège qu'il lui présenta, tandis que la salle se vidait de ses occupants. Elle fut surprise par le confort du meuble, par la douceur de l'étoffe qui le recouvrait. Elle ne put s'empêcher, de façon très subtile (car cela aurait pu mal paraître) de caresser le tissus. Il n'y avait pas de chose aussi soyeuse dans sa baronnie... du moins, pas au château.
On leur apporta un plat de fruits à la mode de la saison actuelle, à laquelle la future baronne ne toucha point. Elle but à son verre, après que le roy l'eut fait lui-même. Une gorgée de ce délectable vin d'Orcanie au goût boisé, au nez de fleurs séchées et des sous-bois mariés à un goût de petites de petites fraises des bois, suffit pour la faire tousser une petite fois. Elle plaça sa délicate main devant sa bouche aux lèvres rosées, gênée, mais ne put dissimuler les larmes qui lui montait aux yeux. C'était un vin sec...

Sa Majesté est aimable. dit-elle, en déposant le verre sur la table, après s'être reprise. Nos terres se portent bien. Les récoltes furent fructueuses. Nos gens sont forts et en santé. Ils mangent à leur faim. Nous envoyons, comme à l’accoutumée, les quantités que Sa Majesté le Roy réclame.
Vous admirant, mon père n'a eu de cesse de me parler de vous et je constate avec émoi que ses paroles reflétaient la vérité.
Sachez également qu'il sera un honneur de jouer pour vous. Ne sachant point, j'ai laissé ma harpe dans ma chambre... mais je puis aller vous la chercher.

Et sur ce, elle se leva pour aller la chercher, toute souriante que quelqu'un s'intéresse à son talent.

La délicate réserve de la jeune Niamh n'avait visiblement d'égal que sa si franche spontanéité. Voilà qui était tout à fait délicieux et décidément plus que charmant. Surtout que la demoiselle se montrait très aimable et agréable. Du moins aux yeux du maître des lieux, qui se trouvait ravi que l'ambiance lourde et oppressante du moment soit quelque peu dissipée par la bonne humeur de la jolie baronne. Enthousiasme que venait de susciter en elle Mordred, et qui manquait de se muer en exaltation...Attitude soudainement débridée qu'il convenait de tempérer (très) provisoirement. C'est donc tout sourire, car amusé par l'esquisse du geste de Niamh, que le roy stoppa son retrait précipité.

Je vous en prie bien.
Nous allons faire quérir votre instrument.
Demeurez donc voyons.

Ceci dit un seul et unique regard du monarque fut suffisant pour faire réagir un petit page, qui ne tarda guère à quitter la salle.
Les yeux pétillants de malice et de plaisir Mordred s'adressa de nouveau à son vis à vis.

Je suis fort aise d'apprendre de si bonnes nouvelles de vos terres...et honoré de disposer de la pleine confiance de votre père, le baron.
Et...je suis heureux que vous soyez si prompte à souhaiter me démontrer votre talent!
Mais...chantez vous également, tout en jouant de votre harpe?

Certes si les fins et délicats petits doigts de la jeunette étaient faits pour pincer avec art les cordes de tout instrument...sa jolie voix fluette, mais bien audible, semblait (elle) capable d'accompagner agréablement la mélodie qui retentirait tantôt ici même.
Et le tyran d'Orcanie avait grand hâte que ceci puisse se faire.
Comme une bouffée d'air frais injecté dans l'atmosphère suffocante du palais. Cet intermède était, en vérité, providentiel. Et ferait peut être oublier au souverain (ne fusse qu'un instant) ses obligations et ses inquiétudes.

L'enfant de la mer, agréablement surprise par l'honneur que lui faisait le roy, se rassied sur son siège. Elle prit un morceau de pomme et le porta à sa bouche. Elle y prit une petite bouchée. Mâcha. Puis en prit une autre... mâcha, tout en souriant timidement à Sa Majesté. Une suivante... jusqu'à ce que vienne la question.

- Si Son Altesse désire que je marie ma voix à celle de mon instrument, il en sera fait selon ce qu'il ordonne. Je dois cependant vous confier qu'au grand regret de ma deuxième mère, je n'ai aucun talent pour accompagner ma harpe... Mon chant n'est point agréable mais tolérable.
L'agilité de mes doigts ne sont, cependant, comparables à aucun autre talent. Vous le constaterez par vous-mêmes... Je connais une chanson, sur la guerre et le destin. Cela vous intéresserait-il?!, rajouta t'elle en déposant son gobelet de vin sur la table afin de caresser la fourrure sombre de l'un des chiens du roy...

Elle repoussa une petite mèche de ses cheveux bouclés derrière son oreille, tout en levant son regard d'ébène vers le roy. Lors d'un bref instant, leur regard se croisèrent. Mordred pourrait-il y lire ce qui effrayait tant les gens? Le souverain, si sensible, percerait-il la profondeur insondable de cette étrange promesse de perdition?
Un fin sourire se dessina sur ses lèvres pastelles et s'effaça aussitôt. Il s'agissait d'une forme de respect, d'une excuse silencieuse pour cette impolitesse.

En effet, le regard profond et...un peu étrange de Niamh troubla quelque peu le souverain.
Qui voulut y voir toute l'intensité de la créativité artistique que recelait la jeune demoiselle.
Voilà qui commençait à intéresser le roy, lui toujours aussi fasciné par les individus particuliers, voir fantasques.
Donc une ritournelle sur la guerre et...le Destin?!
C'était tout à fait approprié aux circonstances présentes (le nord de l'île se trouvait déchiré par des conflits incessants et meurtriers).
Une guerre éternelle, celle de la barbarie contre la civilisation...Ou l'avenir de l'Orcanie (et de toute la Bretagne) se déciderait par les armes.
Du moins dans un premier temps.

Mordred adressa un sourire empreint de bienveillance à son invitée.

C'est parfait!
Oh vous savez...je compose, un peu, moi même et...ma voix est (elle aussi) tout juste acceptable, comme vous le dites...
Donc, je ne pense pas être déçus et...ma complaisance vous est acquise.

Et justement! le jeune page était (déjà) de retour avec l'instrument de miss Niamh.
Le serviteur s'inclina devant la jeunette et lui présenta sa harpe.
Le roy était ravi! son concert privé allait pouvoir commencer.