Une nuit agitée...

Cela faisait une semaine que Victoria était arrivée au temple, sous la coupe de la grande prêtresse Morgane. Depuis le jour de son arrivée, les cauchemars avaient totalement disparu. La jeune fille avait retrouvé des nuits paisibles, ce qui lui permettait d’approfondir son apprentissage. D’ailleurs elle aimait beaucoup cette nouvelle vie. Ça lui correspondait bien.
Mais cette nuit-là, le bien-être nouveau qu’éprouvait Victoria était sur le point de s’envoler. C’était une nuit de pleine lune, le ciel était dégagé. La jeune apprenti-prêtresse dormait dans l’une des chambres des invités que le Roy Mordred lui avait fait accorder. Elle s’était endormie quasiment tout de suite, la journée avait été éprouvante.

Vic courait dans l’herbe, dans une clairière qui ressemblait étrangement à celle où elle s’amusait avec ses frère étant plus jeune. Elle courait, joyeusement, en riant, après quelqu’un, sans savoir qui. Sans doute l’un de ses trois grands frères. Il faisait beau, les températures avaient l’air douces, un grand soleil éclairait le tout. Elle était heureuse à ce moment-là. Mais soudain, tout s’assombrit. Le ciel devint noir comme l’ébène, Victoria ne voyait plus le sol où elle posait ses pieds, tout était noir. Elle se vit dans l’obligation de s’arrêter de courir, se stoppant net. Tout ce qui l’entourait était noir, le sol, le ciel, tout. Un sentiment de panique l’envahit, un sentiment qu’elle n’avait plus connu depuis plusieurs jours. Enfin, plus fort que la peur, un sentiment de culpabilité et de tristesse la submergea. Elle avait l’impression que sa vie était vaine, qu’elle devait en finir. C’était comme si une autre personne contrôlait ses émotion, comme si elle n’était plus maîtresse de son mental. En finir avec la vie, c’était tout ce que lui dictait sa tête à présent. Victoria se battait intérieurement pour savoir qui lui ordonnait cela, et pourquoi. Mais aucune réponse ne lui venait pour le moment. Machinalement, elle regarda autour d’elle et aperçut une masse blanche sur ce qui pouvait s’apparenter au sol. Puisque tout était noir, il n’y avait pas de distinction entre ce qui était le sol ou l’horizon. Un mélange de curiosité et de détermination la fit avancer vers cette masse blanche. Vic découvrit avec à la fois horreur et soulagement qu’il s’agissait d’un poignard. Une partie d’elle avait envie de partir en courant dans la direction opposé, mais son corps continuait d’avancer. La jeune fille ne maîtrisait plus ses gestes, et sans qu’elle le veuille, elle s’empara de l’arme blanche. Elle le tint ensuite à deux mains, la lame dirigée vers son corps. Des larmes surgirent alors, elle se mit à pleurer et à crier, tentant de reprendre le dessus.

-NOOOON!!! Pourquoi faites-vous cela?! Je ne veux pas mourir, pitié!

Une forme à peine distincte finit par apparaître dans le coin le plus sombre de la chambre de Victoria...
Silhouette spectrale d'une femme trépassée (de sa propre volonté)...et condamnée à errer en l'esprit d'une jeune fille parfaitement étrangère à ses souffrances et tourments passés.

Présence nullement hostile, et même plutôt bienveillante...
Bien curieuse (et inquiétante) présence...effective(?) ou uniquement ancrée dans les pensées tourmentées de la petite voyante.

Le spectre d'Ophélia, au regard neutre mais perçant et à la triste figure...dirigea ses pupilles diaphanes en direction de son "hôte" physique.
Et une voix fort particulière se mis à résonner.
Dans la tête de Victoria.

Vivre ou mourir...est une question de choix.
Parfois...

Notre damnation, non point.
Aidez moi!

Entre cruel constat et cri de désarrois, les lamentations d'une âme en peine...infligeant malgré elle...tourments et cauchemars.
Ou quand le poids trop lourd du passé...pèse encore sur un présent portant toujours les stigmates des blessures de jadis.
Se répétant sans cesse, (en boucle), comme une longue et interminable litanie funèbre et désespérée.

Après une semaine avec la Grande Prêtresse d'Orcanie, Victoria avait tout de même commencé à tirer un enseignement des "cours" auxquels elle avait assisté.
Se souvenant des conseils de Morgane, la petite essaya de canaliser sa peur, d'inspirer profondément, toujours endormie, et de retrouver son calme, bien que ce fut assez difficile. Elle était encore jeune.

-Vous aider? Mais comment? parvint-elle à articuler.

Le poignard était toujours dirigé vers elle, et Victoria ne maîtrisait pas ses gestes.
Elle avait peur de finir transpercée et de se réveiller avant de n'avoir pu comprendre, encore, ce qui se passait, qui était cette femme et ce qu'elle voulait.

-Qui êtes-vous? Répondez-moi s'il vous plaît, sinon je ne pourrai pas vous aider...

Malgré le calme qu'elle essayait de montrer, le coeur de la brunette battait la chamade. Elle avait envie de pleurer, elle ressentait toute la peine que pouvait avoir ressenti la femme qui la hantait à présent, et ces sentiments noirs contrastait avec son désir de vivre à elle.
Victoria ne pouvait discerner aucun visage, puisque la personne qui la hantait était en elle durant son rêve. Elle entendait sa voix dans sa tête, et subissait ses gestes. Elle essayait tant bien que mal de repousser ce poignard qui étrangement, lui semblait être le seul moyen de salut.

-Je vous en prie, ne faites pas ça...

L'évanescente créature se tourna davantage vers la petite voyante, et dirigea vers elle une main (translucide) en signe d'apaisement.

Ce geste n'est pas le votre...chassez cette idée de votre esprit!

Ceci affirmé, l'apparition releva dignement la tête, pour ensuite poursuivre, avec solennité :

Je fus celle que l'on connu sous le nom d'...Ophélia Vilon d'Aurey...ancienne reyne d'Orcanie.
Et je vous conjure...d'en appeler à dame Morgane.
Afin de nous libérer, toutes deux...
Du poids du passé.
Du...marasme.

Déjà indistincte l'image voilée du spectre tendait désormais à disparaître progressivement.De même que sa voix, (d'outre tombe), peu à peu...inaudible.
Mais se répercutant, en écho, dans l'esprit fiévreux de Victoria.

Après que l'esprit ait enfin révélé son identité et déclaré ses souhaits, il finit par disparaître lentement. Une fois l'image dissipée, Victoria se réveilla en sursaut, se redressant d'un seul coup de manière à se retrouver assise sur son lit. Elle essuya d'un revers de manche la sueur qui perlait sur son front, la jeune fille, toujours coeur battant, se leva de son lit et se dirigea vers la fenêtre pour prendre un grand bol d'air frais et reprendre ses esprits (façon de parler).
Le spectre lui avait intimé l'ordre, ou plutôt la forte suggestion, d'en parler à Morgane. De toutes façons, Vic l'aurait fait, c'était à elle qu'elle confiait tout et c'était elle qui lui servait de mentor. Malgré son envie presque intenable d'en informer immédiatement la grande Prêtresse, la demoiselle se dit qu'il aurait été fort impolie de sa part d'aller la déranger en pleine nuit.
Soulagée que le fantôme ait finalement décliné son identité, elle se dit que son problème serait enfin résolu, avec un peu de chance dès le lendemain, ou sinon sous peu.
Victoria se rassit sur son lit et se servit un verre d'eau.

Le jour venait de se lever et Lancelot avait surpris la GPO et Accolon dans leur lit. Situation cocasse pour ceux qui savaient que Morgane et Lancelot s'étaient fortement rapprochés bien qu'Accolon soit l'amant de la GPO depuis un temps certain. Mais l'irréparable n'avait pas été commis. Malgré ses dons de voyances, Morgane se demandait si cette situation pourrait perdurer...C'est donc avec un certain soulagement que la GPO avait quitté ses appartements en prétextant qu'une de ses apprenties avait besoin d'elle immédiatement.

L'échappatoire était malgré tout authentique. La GPO avait perçu, ressenti le mauvais rêve qui s'était emparé de Victoria. La Mère Éternelle lui avait offert la vision de la damoiselle, semblant torturer par un fantôme.

Morgane ne croyait pas aux fantômes mais connaissait les sensibilités accrues des hommes ou femmes qui possédaient le Don et ne savaient pas encore le maîtriser. Et Victoria, qui malgré son âge adulte, n'avait pas reçu d'apprentissage, en était la victime. Ces visions s'imposaient à elle sans qu'elle ne sache encore les dompter.

C'est donc avec une tisane apaisante de pavot que la GPO fit son entrée dans la chambre de la jeune Victoria. Alors que celle-ci voulut se lever, Morgane lui fit signe d'un geste de rester dans son lit et s'assit au bord de celui-ci

- Buvez cela ma chére enfant. Et vous vous sentirez mieux...

Quelle ne fut pas la surprise de Vic lorsque la GPO entra dans la pièce. Plus qu'une surprise, ce fut un soulagement! Elle avait tant espéré pouvoir lui parler ce soir, et voilà que son vœu se réalisait. Décidément, cette Morgane était merveilleusement surprenant, et Victoria avait encore beaucoup à apprendre d’elle.

Alors que la jeune fille s’apprêtait à se lever pour la saluer, la belle prêtresse, d’un geste preste, lui fit signe de rester assise. Elle la rejoint elle-même, lui offrant un bol de tisane au pavot que Vic accepta volontiers. Tout ce qui venait de la GPO était de toutes façons bon à prendre, la petite lui vouait un confiance aveugle.

Après avoir bu quelques gorgées du breuvage, la jeune fille regarda Morgane dans les yeux d’un air intrigué. Il fallait qu’elle lui donne le nom du spectre. Et ce n’était pas un nom ordinaire, comme Gaston, non, c ‘était celui d’une reine d’Orcanie!

-Je connais l’identité du spectre… Elle m’a dit de vous en informer. Il s’agit d’Ophelia Vilon d'Aurey. Vous… l’avez connue? Elle avait l’air de vous connaitre et de savoir que vous pourriez lui venir en aide.

En effet, il était temps que tout cela cesse. Victoria avait acquis une certaine sérénité depuis qu’elle était arrivée, mais tout de même, cette situation ne la mettait guère très à l’aise, elle aurait de loin préféré passer des nuits paisible lui permettant de se reposer comme il se devait pour aborder la journée du lendemain avec confiance et énergie. Car en effet, les apprentissages n’étaient pas de tout repos, il fallait maîtriser sa concentration et faire preuve de détermination, et quoi de plus difficile lorsqu’on est épuisé par une nuit agitée par les cauchemars?

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