Une belle matinée [ Pv Morgane]

Ce matin-là aurait pu être un matin comme les autres, mais il ne le fut pas. Ce matin-là, Lancelot avait voulu faire toute une surprise à sa belle amie, Morgane. La veille, il avait donné congé à la dame qui s’occupait généralement de la prêtresse et s’était promis de s’en occuper lui-même.

Tôt le matin, il était partit en forêt pour une très courte partie de chasse qui ne fut pas très fructueuse et était revenu au château pour le lever de Morgane.
Il était monté en douce dans ses appartements avec un magnifique plateau de fruits, de viennoiseries et de fromage. Il lui avait même apporté une carafe de bon lait frais et une carafe d’eau.
Tout était parfait !

Quand tout fut en place, il alla tirer les rideaux et les rayons du soleil pénétrèrent dans la grande chambre l’illuminant d’un seul coup.

Appuyé contre la fenêtre, les bras croisés et un sourire fendu jusqu’aux oreilles, il dit :

- Allez madame !
Il est temps de se réveiller maintenant !
Vous n’allez tout de même pas bouder cette belle journée de printemps que nous offre Notre Mère !

Il avait bien hâte de voir la réaction de Morgane !
La première fois qu’il avait fait cela à Camelot, le Roy était resté confus toute la matinée, ne comprenant pas les agissements de son chevalier.

C’est également un sentiment de confusion qu’il prévoyait de la part de Morgane. Après tout, un chevalier qui vous apporte le petit-déjeuner, ça pouvait être déconcertant puisque à l’habitude, c’était le rôle des serviteurs ca !

Couchée dans son grand lit Morgane n'avait cessé de tourner dans tous les sens à la recherche du sommeil que la Déesse ne semblait pas vouloir lui accorder cette nuit. Allongée sur le dos, elle avait gardé les yeux ouverts rivés au plafond. Entiérement peint, décoré de riches stucs, il représentait une allégorie nuptiale évoquant les noces de quelques arriéres grands parents Orcaniens célébrés un siécle auparavant dans le culte de la Mére Eternelle. Culte qui s'enfonçait dans les abysses de l'oubli. Pourtant le responsable de son insomnie résidait en une seule personne : Lancelot, que Arthur avait affrêté à l' étroite sécurité de Morgane pendant son séjour en Orcanie. Plus la GPO (Grande Prêtresse d'Orcanie) le cotoyait, plus elle sentait fondre les remparts patiemment érigés autour d'elle. Un charme diabolique se dégageait plus que jamais du chevalier. Principalement depuis que celui-ci avait avoué éprouver quelque inclination pour la fée. Qu'il parvienne chaque jour un peu plus à transformer le sentiment d'extréme attirance qu'elle ressentait depuis toujours en amour tenait du prodige. Morgane était vouée à la Déesse et ouvrait ses bras aux hommes essentiellement pour répondre à un besoin charnel ou encore pour répendre l'amour infini de la Déesse.

- Allez madame !
Il est temps de se réveiller maintenant !
Vous n’allez tout de même pas bouder cette belle journée de printemps que nous offre Notre Mère !

Les rayons du soleil suivis de la voix éclatante du chevalier l'arrachérent à sa somnolance. Lorsqu'elle ouvrit les yeux elle apperçut la fiére silhouette de Lancelot qui se découpait dans l'encadrement de la fenêtre. Une onde brûlante et douloureuse la parcourut des orteils à la racine des cheveux. Elle tira vers elle le mince drap.

- Bonjour mon cousin! Vous êtes bien matinal et je n'ai guére dormi. En ce sens je pourrais fort bien bouder!

Elle sourit puis releva les cheveux sur sa nuque qu'elle attacha avec un pique en os

- Mais rassurez vous je n'en ferez rien! Aprés tout vous m'avez apporté là de fort bonnes choses. Avez vous déjeuné ?

C'est à ce moment précis qu'une forme sous les couvertures à côté de la fée bougea et émit un baillement sonore...

Lancelot était bien content de voir que Morgane était ravie de ce petit-déjeuner matinal. Le chevalier s’était tout informé, auprès de la servante de Morgane, de ses habitudes, les heures où elle se réveillait.
Bon, ses intentions étaient bien calculées aussi : il savait bien qu’il pourrait prendre le petit déjeuner avec la prêtresse en cette belle matinée.
Il l’aimait bien après tout !


Bonjour mon cousin! Vous êtes bien matinal et je n'ai guère dormi. En ce sens je pourrais fort bien bouder!

Le chevalier sourit.

Matinal ? Pourtant, votre servante, à qui j’ai donné congé en cette journée, elle m’a assuré que c’était l’heure à laquelle vous vous leviez le matin.

Il n’en fit pas un plat, puis prépara un verre d’eau bien fraîche, puis un plat bien remplit.

Mais rassurez-vous je n'en ferai rien! Après tout vous m'avez apporté là de fort bonnes choses. Avez-vous déjeuné ?

- C’est un plaisir, Morgane. Arthur m’a demandé de veillez à votre bien et quoi de mieux qu’un bon petit déjeuner pour commencer une si belle journée.
Et puis, non, je n’ai pas déjeuné encore, je voulais, si vous le voulez bien sûr, vous accompagné dans …

Il stoppa net quand il entendit ce bâillement aux côtés de Morgane, il savait bien ce que cela voulait dire. Il n’avait même pas remarqué avant, il était trop heureux en cette matinée.

- Mais … euh … je croyais que vous étiez seule. Je … je ferais peut-être mieux de vous laisser …

Sa mine avait vraiment changé là. Il avait passé de l’homme super heureux à l’homme extrêmement déçu.

La situation était cocasse. Morgane était dans une pièce avec son amant et celui qu'elle désirait ardemment. Elle vit tout de suite Lancelot pâlir lorsqu'il s'aperçut d'une troisième présence. Morgane aurait voulu lui dire que ce n'était rien que ça ne voulait rien dire. Mais ce n'était pas le cas. Acollon était son amant de longue date et elle en était très éprise. Heureusement celui-ci prit l'intrusion de Lancelot dans la chambre de la GPO avec excellente humeur. Après tout n'étaient-ils pas tous deux chevaliers de la table ronde ? Des frères. Lorsque Accolon proposa de déjeuner à trois un sourire amusé s'étira sur les jolies lèvres de Morgane.

- Oui! Déjeunons ensemble. Si il y en a pour deux il y en a pour trois.

Car bien que gênante, la présence des deux hommes qui ne lui étaient pas indifférents amusait follement la GPO. Elle appréciait le fait qu'Acollon soit un grand fou. Cela rendait leur vie à deux tellement émoustillante! Morgane espéra que Lancelot parviendrait lui aussi à trouver quelque plaisir en sa compagnie même si elle n'était pas prévue. Après tout le chevalier savait qu'Accolon et Morgane étaient...de tendres amis. Elle désigna un fauteuil

- Mon cousin, pouvez-vous me passer ma robe de chambre ?

Lorsqu'elle l'eut en main elle regarda les deux hommes en riant et dit

- Eh bien ? Qu'attendez-vous ? Tournez vous! Tous les deux!

Car aussi étrange que cela puisse paraître Morgane n'avait pas dormi avec son amant dans une tenue très couverte.

Lancelot savait bien que Morgane et Accolon étaient amants, mais la surprise venait du fait qu’Accolon était en Orcanie, alors que le Grand Chevalier le pensait à Camelot. Lancelot tenta de chasser cette mine désappointée, même s’il savait que Morgane l’avait déjà vue.
Il devait se mettre en tête que rien ne lui ferait gagner le cœur de cette belle dame et qu’il devait la laisser aller maintenant. Elle était heureuse avec Accolon, pas avec lui.

Lancelot!?!...
Quelle surprise! tu réveilles les honnêtes gens au saut du lit maintenant?!

Lancelot prit cette remarque avec le sourire, du moins, un sourire qu’il força un tout petit peu.

- Et toi tu empêches une altesse de dormir, vieux frère ?!

C’était toujours la même histoire entre eux ! Une réplique n’attendait pas l’autre !

- Arthur m’a demandé de veiller au bien être de Dame Morgane alors c’est ce que je fais ! Mais je vois que tu as pris de l’avance sur moi !

Cette situation le dérangeait beaucoup, mais Accolon et Morgane insistait pour qu’il déjeune à trois. Refusé aurait été quelque peu suspect quant aux sentiments qu’il avait.

- Bon, d’accord, si vous le voulez !
Ce sera un plaisir pour moi.

Mon cousin, pouvez-vous me passer ma robe de chambre ?

Il la lui tendit, mais resta ensuite figé comme une statue de glace. Il ne réagit que lorsqu’elle leur demanda de se tourner d’un air amusé.
Le grand chevalier se tourna expressément, quelque peu mal à l’aise.

Hj : Accolon a piqué un somme ??

hp : Il est épuisé le pauvre Acolonounichet:)

Il émerge!

Patience!

Hj : Il devrait dormir la nuit !

"- Et toi tu empêches une altesse de dormir, vieux frère ?!"



Accolon esquissa un faux sourire indigné, à l'adresse de Lancelot, avant de considérer (avec ironie) la belle dame de ses pensées.

En la matière...les torts se trouvent être...parfaitement partagés!

Et le chevalier de Galles ne s'en plaignait pas, bien au contraire.

"Mais je vois que tu as pris de l’avance sur moi !"

Curieuse réflexion...simple constat? demie plaisanterie? voir même...semblant de jalousie...l'intéressé ne saurait dire tout ce que celle ci pouvait lui inspirer.Et qu'importait! puisque son compagnon d'arme était, tout naturellement, au dessus de tout soupçon.

Jamais gente dame n'aura été aussi...étroitement protégée!

Mais trêve de bavardage! alors que Lancelot tendait un vêtement à sa dulcinée (double sens)...Accolon, lui, revêtait une large tunique, afin de dissimuler sa mâle nudité.

"Tournez vous! Tous les deux!"

Tout comme son camarade le gallois détourna son ténébreux regard, se redressa, puis...invita Lancelot à l'accompagner dans la pièce adjacente...ou une table garnie de nourritures s'offrait à eux.
Accolon s'installa et pria son invité à faire de même.
Après avoir picoré quelques grains de raisin...il interrogea son ami :

Alors? quelles nouvelles de Camelot?
Comment se porte le haut roy?...et son épouse, notre souveraine?

Sujet délicat...et l'amant de Morgane en avait parfaitement conscience.Morgane qui souhaiterait (sûrement) s'apprêter quelque peu avant de rejoindre ses deux chevaliers servant.

Jaloux. Voilà dans quel état d’esprit était le grand chevalier. Il avait été très maladroit dans ses propos, propos qui, il l’espérait, n’avaient éveillé aucun soupçon dans l’esprit du gallois.
Probablement que Morgane se ferait un plaisir de lui dire ce qu’elle pensait de ce genres de paroles, mais il accepterait le blâme.
Lancelot avait manqué énormément de tact et de discrétion.

- Tu sais bien que je dis pour tout cela pour rire un peu.

Brillante façon de se sortir d’un sacré pétrin !
Suivant son frère d’arme dans la pièce attenante, Lancelot lui administra une tape amicale dans le dos.

C’était la pire situation qu’il pouvait imaginer : surprendre celle qu’il aimait avec son meilleur ami, dont il ignorait la présence à Warminster, et ce même s’il savait qu’ils étaient amants depuis un certain temps, puis ensuite se faire inviter pour le petit déjeuner!

" Alors? Quelles nouvelles de Camelot?
Comment se porte le haut roy?...et son épouse, notre souveraine? "

Lancelot venait d’avaler un raisin de travers. Probablement parce qu’une partie du sujet concernait la reyne de Camelot.
Il s’éclaircit la voix.

Les affaires du royaume vont biens. Naturellement, quelques petits seigneurs contestent et contesteront toujours l’autorité du Roy, mais tout semblent sous contrôle.
Le Roy prend du mieux après la terrible fièvre qui l’a frappé et la Reyne, et bien … elle semble bien se porter …

Le sujet ne lui plaisait pas beaucoup, c’était délicat, mais ne pas en parler créerait un plus grand malaise chez le Champion de Bretagne. Il essayait de l’oubliée, mais serait-il capable un jour ?

Il parait qu’elle est bien occupée à organiser les épousailles prochaines de sa cousine, Dame Élaine … elle représente un bon parti, dit-on …

Lancelot n’avait aucune idée à savoir si Accolon savait que l’homme qui allait épouser Dame Élaine n’était en fait personne d’autre que le grand chevalier.

Et toi …
Que fais-tu en Orcanie ?
Je n’ai même pas eu vent de ta présence ici !
Je te croyais partit en mission pour Arthur. La plupart de ses chevaliers le sont, alors j’ai pensé que tu le serais aussi.

Morgane ne tarderait sûrement pas à les rejoindre. Lancelot pouvait comprendre qu’elle veuille se vêtir d’avantage que d’une simple robe de chambre

La GPO savait maîtriser ses gestes et c'est le plus tranquillement du monde qu'elle passa sa robe de chambre avant de s'extraire de la couche. Elle évita le regard de Lancelot quelques instants puis s'obligea à le croiser, en l'accompagnant d'un sourire en coin qui se voulait...amusé.

- Je vous rejoins dans un instant chers. Soyez aimable de me laisser une petite part de ce délicieux petit déjeuner. Je sais que les preux chevaliers, et garde personnelle, d'une simple prêtresse ont tendance à dévorer!

Un baiser rapide à son tendre amant et Morgane se faufilait dans la sale d'eau à côté de la chambre à coucher pour se rafraîchir un peu. Appuyée contre le mur, elle pressait une main contre son coeur qui s'était mis à battre à la chamade. De loin, elle entendait les deux chevaliers discuter. Elle versa de l'eau dans une cuvette et se pencha dessus. A la surface se découpait la silhouette d'une très jeune fille, les cheveux sombres, vêtue d'une chemise de nuit, les traits déformés par la peur qui suppliait

-Je vous en prie, ne faites pas ça...

Victoria....Étrangement, Morgane ne parvint pas à bouger. On aurait dit qu'elle avait prit racine et que ses pieds refusaient de lui obéir. La GPO comprit que la Déesse lui demandait de ne pas intervenir encore mais de regarder.

Lancelot comprenait le désarroi de son frère d’arme et lui donna une tape amicale dans le dos pour lui remonter le moral un peu.
La situation de l’île n’était pas la meilleure et qu’ils le veuillent ou non, le sang couleraient un peu partout.
Lancelot redoutait le pire maintenant.

- Cette coalition de nos ennemis sera difficile à arrêter. Ils marchent sur la Carmélide, sur l’archipel des Orcades et voilà maintenant qu’ils pourraient marcher sur les Galles du Sud !
Même avec une grande armée, on ne peut pas se battre sur trois fronts en même temps. Ils nous forcent à diviser nos forces militaires, sachant qu’on ne pourra pas résister bien longtemps.

Cette idée de concession ne l’enchantait pas et ne devrait pas enchanter Arthur non plus, mais Accolon avait sans doute raison.
C’était sans doute la pire passe de ce continent avait connu depuis la fin du règne d’Uther Pendragon.

Pour l’heure, Lancelot jugea mieux de rassurer son frère d’arme qui semblait quelque peu pessimiste face à tout cela.
Cette attitude était légitime et Lancelot ne se cachait pas que les pertes seraient importantes, mais il ne croyait pas en l’inaction du roy de Bretagne.

- Tu sais comme moi que jamais ces barbares ne prendront les terres de nos ancêtres ! Arthur ne laissera pas une telle chose arriver, ait foi, mon frère …

Lancelot savait bien qu’Accolon avait raison, mais avant de traiter avec l’ennemi, avant de leur donner des terres qu’ils revendiquaient, ils se battraient !
Le grand chevalier voulait redonner un peu d’espoir à son bon ami qui semblait l’avoir perdu.

-Nous devrons essuyer des pertes, je le sais bien, mais ces sacrifices ne seront pas inutiles, crois-moi.
Pour l’heure, nous, tout nos alliés, faisons le possible pour limiter les dégâts. Attendons de voir ce que nous réserve l’avenir.
Prions les Dieux pour qu’ils nous préservent.

J'ai la désagréable impression...que nous payons là les effets de la politique insensée...du roy Mordred.
Tous à Camelot partagent mon avis, toi le premier, et pourtant...Arthur ne fait rien, pour ramener son neveu à la Raison.
Pourquoi?!

Lancelot s’adossa sur sa chaise et soupira. Il ne pouvait en vouloir au chevalier de cette critique puisque lui-même le pensait quelquefois

- Ce n’est pas qu’une impression, c’est la triste réalité, malheureusement. Je crois que … je crois qu’Arthur redoute son neveu.
Le roy Mordred est instable et personne ne sait l’ampleur de ses desseins, mais crois moi, j’insiste pour ouvrir les yeux d’Arthur.

D’ailleurs, c’est pour cela que je suis en Orcanie, je suis les yeux et les oreilles d’Arthur, je lui fais un rapport chaque semaine, en plus de veiller à la protection de Morgane si jamais l’envahisseur venait à marcher sur l’Orcanie.

Mordred ne restera pas impuni, il finira par payer le prix de ses actes.

Lancelot avait tenu ce discours à mi-voix également parce qu’il ne voulait pas que Morgane puisse saisir toutes ces paroles. Mordred était, après tout le neveu de la GPO.

Morgane apparut habillée enfin et prit silencieusement place avec les deux chevaliers. La vision de Victoria venait de s'éteindre mais il lui faudrait aller la visiter rapidement. Le spectre continuait à la torturer. Revenant enfin à la réalité, et parcequ'elle avait saisi quelques bribes de conversations la fée s'empressa de rassurer ses tendres amis.

- Arthur triomphera. Tant qu'il aura Excalibur à son côté, il remportera chacune de ses batailles.

Comme après chaque vision, la GPO avait un appétit féroce et elle mordit dans un gâteau au miel avant de donner un peu plus de concret à ses propos.

- Et qui plus est notre Haut Roi a un instinct hors pair pour la stratégie. Il nous a prouvé de nombreuses fois que la quantité de guerriers ne signifiait que peu de choses face à une tactique bien menée et à l'appui, la confiance de ses frères d'armes...Tant que vous continuerez à croire en lui mes amis, alors rien ne pourra résister bien longtemps à la justice...Les saxons sont courageux mais trop désordonnés pour tenir une alliance quelconque.

Des images flamboyantes traversèrent sa conscience : sang et splendeur, des flammes, une épée et pour finir un homme qui s'élançait au combat l'image de la Dame peinte sur son bouclier.

- Mordred, même si il ne s'en doute pas, malgré mes rappels, est mis à l'épreuve. Si il échoue, si il est estimé que Mordred n'a pas les qualités nécessaires pour être roi alors il devra abdiquer le trône d'Orcanie en faveur de son frère aîné, et votre compagnon : Gauvain...Qui sera ensuite désigné héritier du Haut Roi.

Sauf si Gueniévre donnait un hériter à la couronne. Mais la GPO savait que cela n'arriverait pas. Elle ne voyait pas non plus Mordred devenir Haut roi pas plus que Gauvain. Toute prévision était impossible, trop floue. Et même elle, la GPO qui avait tant vu, tant fait, avait une grande peur encore inexplicable quant à l'avenir non neveu qu'elle souhaitait pourtant radieux.

« Arthur triomphera. Tant qu'il aura Excalibur à son côté, il remportera chacune de ses batailles. »

Si seulement c’était vrai. Lancelot n’était pas du genre très pessimiste et croyait en son Roy, mais une simple épée n’était pas la solution à tout.

Nous croyons en lui, Morgane. Nous lui avons juré fidélité jusqu’à notre mort, mais certains de évènements nous dépassent quelque peu. Sauf que ce n’est pas simplement une épée qui pourra nous sauvé, nous devrons sacrifier plus d’une vie.

Le grand chevalier se leva, faisant quelque pas vers la fenêtre. Le temps était radieux, mais il en serait autrement quand des villages seraient mis à feu et à sang.
Des milliers de personnes mourraient, mais ils ne pouvaient empêcher cela, ils n’étaient pas assez nombreux.

- Même si le problème sera récurent, nous n’avons autre choix que de les repousser. On ne peut pas abdiquer devant une bande de barbares qui s’en prennent à nos terres et à nos gens.

Lancelot se tourna vers Accolon. Il admirait sont coté réaliste. Accolon ne se cachait pas derrière des illusions pour amoindrir l’impact d’une situation, il disait les vraies choses. Seulement, les illusions servaient aussi à garder espoir dans ces périodes les plus sombres.
L’espoir était important dans ses situations.

- Rappelles-toi notre serment, frère. Tu ne fuiras point devant ton ennemi et tu poursuivras les infidèles avec acharnement.
C’est notre devoir, notre destiné, alors s’il faut le faire, faisons-le avec courage et bravoure comme les chevaliers de la Table Ronde l’ont toujours fait.

Bien que Mordred était aussi un chevalier de la Table Ronde, Lancelot ne croyait pas que ce dernier puisse encore servir les idéaux qui formaient ce regroupement de preux chevaliers.
Le grand champion n’avait jamais estimé ce Roy et jamais, il ne le ferait, même s’il était le neveu de Morgane et d’Arthur.

- Le trône d’Arthur n’est pas menacé et personne ne peut oser prétendre qu’il sera vacant bientôt.
Le Roy nommera sont successeur quand son heure sera venu de quitter ce monde, mais cela n’arrivera pas avant longtemps.
Arthur a encore bien des batailles à remporter.

Il vint poser une main rassurante sur l’épaule de son ami.

- Sois patient et garde espoir. Si nous, nous ne pouvons connaître la paix de notre vivant, alors faisons de notre possible pour la bâtir pour que nos enfants la connaissent.

Morgane sentait l'inquiétude des deux chevaliers et particulièrement celle d'Acolon qui se cachait sous sa carapace forgée de "réalisme". Elle mourrait d'envie de le prendre dans ses bras pour le rassurer et lui communiquer, si elle le pouvait, non pas ses visions ou ses impressions mais la véracité de ses propos. Morgane savait parfaitement ce qu'elle disait et ne mentait pas, jamais elle ne dissimulait la vérité. Arthur gagnerait cette fois encore, elle le savait elle en était certaine...A défaut de pouvoir s'exprimer comme elle l'aurait fait en privé avec son cher et tendre elle plongea son regard dans celui d'Acolon.

-Les conséquences de nos actions sont toujours si complexes, si diverses, que prévoir l’avenir est une entreprise bien difficile. Mais cette fois encore tout rentrera dans l'ordre...Et Mordred devra réaliser qu'il n'est pas indétrônable pour être raisonnable.

Elle se leva à son tour et prit un petit sac en peau. La GPO allait s'aider d'un support : les runes appelés couramment Oghams, instrument de prédilection de l'enchanteur de Bretagne pour indiquer à Arthur les stratégies guerrières à adopter. Les galets, gravés de signes particuliers représentaient toujours, hier, aujourd'hui et demain, ils illustraient les espoirs ou les peurs secrètes. Elle prononça la formule d'usage

. Puissent ces runes nous permettre de trouver notre chemin sur la terre, de comprendre notre destinée face aux forces inexplicables que sont la vie et la mort, l'éternité de la lumière et de l'amour.

Morgane prit les galets en main et les jeta sur la table puis se concentra. Les signes Thurisaz, Ansuz, Gebo, Wungo prédominaient. Morgane plissa les yeux en proie à une concentration intense : Instincts primaires, souffle, paroles, union, rencontre, cohésion, harmonie...des idées, s'entremêlaient tournoyaient jusqu'à former une scène que Morgane voyait nettement se dessiner devant elle.

- Il y aura le sommet d'une colline sur laquelle vos hommes seront disposés. En bas les pictes et Saxons seront beaucoup plus nombreux, c'est du nombre qu'ils tiennent leur plan d'attaque. Il vous faudra alors taper sur vos boucliers en criant à pleins poumons et en faisant le plus de chahut possible, l'écho de la colline amplifiera vos voix . Se croyant moins nombreux que vous le gros de l'alliance ennemie tournera casaque et prendra la fuite. Quelques acharnés resteront pour vous défier dont un chef saxon et la bataille sera d'une violence inouïe mais courte. Arthur pardonnera une fois encore à ses adversaires qu'ensemble vous aurez soumis car comme le lui a enseigné Merlin "un ami de plus c'est un ennemi de moins".

Morgane s'était dépêchée de parler car la scène qu'elle voyait menaçait de s'effacer d'un moment à l'autre. Sa perception du Don était mise à rude épreuve car elle avait peu dormi et que la vision matinale de Victoria avait consumé une bonne partie de ses "forces spirituelles". En même temps que l'image s'effaçait elle se laissa tomber sur sa chaise.

- Je suis navrée je ne peux vous en dire plus. Mais j'espère au moins que cette vision vous confortera dans l'idée que vous ne devez pas baisser les bras...

Lorsque Morgane commença à leur dire ce qu’elle voyait, Lancelot se mit à L’écouter avec attention. Il était parfois sceptique dans la lecture des runes, mais il croyait Morgane. Il savait qu’elle ne leur dirait pas cela pour rien et que ce qu’elle leur disait était vrai.
Il se souvint d’une fois où elle avait justement lu les runes et les évènements s’étaient réalisé presque comme elle l’avait prédit.

Seulement, Lancelot avait déjà entendu Vivianne mettre en garde contre les runes : elles avaient un pouvoir immense, le pouvoir de dire l’avenir, mais il fallait l’utiliser avec précaution et surtout ne pas en abuser. Surtout qu'en cette instant, Morgane semblait bien faible ...
Bien sur, encore une fois, il avait confiance en Morgane.

Il acquiesça aux dires de son frère d’arme.

- Nous sommes sortis victorieux de plusieurs batailles avec Arthur comme chef et nos cœurs comme guides.

Et si un jour il nous arrivait de ne plus croire ce pourquoi nous risquons nos vies, alors il restera toujours ces hommes et ces femmes qui eux croient en nous pour les sauver.

Nous sommes leurs espoir, leur chance de vivre dans un monde en paix alors battons-nous pour ceux qui ne peuvent le faire

Accolon n’avait pas réellement tort : Guenièvre pouvait s’avérer être de bon conseil pour Arthur, mais son empressement à faire bouger les choses était plutôt énervant pour le Roy.

Elle ne pouvait pas se rendre compte de la complexité des choses puisqu’il n’y avait pas longtemps qu’elle avait décidé de se mêler des décisions d’Arthur.

- Je ne te contredis pas, mais la Haute Reyne le presse trop parfois. Y aller trop vite n’est pas une excellente idée non plus …

Morgane préféra ne pas répondre à ses très estimés amis. Il était trop tôt pour réfléchir à la question du pardon. La victoire d'abord et les discussions ensuite! La GPO comprenait la lassitude des chevaliers à devoir combattre sans relâche mais tel était leur engagement. Un ouvrage immense avait déjà été accompli. Toutefois ce n'était pas en une ou deux générations de guerres que la paix reviendrait. Voilà pourquoi le choix de l'héritier de Arthur devait être réfléchit et intelligent. Quand la question de Gueniévre fut soulevée Morgane se contenta de hausser les épaules

- Il y a trop longtemps que nous ne nous sommes pas vues. J'ignore quel est son état d'esprit actuel.

Car Gueniévre changeait d'humeur comme de robes...ou plutôt elle faisait ce que son confesseur lui ordonnait pour se faire "pardonner ses innombrables pêchés". Dans l'espoir que Dieu lui accorde un jour un enfant. Morgane ne pouvait pas lui en vouloir. Gueniévre subissait trop de pressions et pensait certainement trouver en son confesseur une épaule sur laquelle s'appuyer. Et il était vrai que les raisonnements de la Haute Reine pouvaient s'avérer bons.